Écrit par

Yanick Franche

co-écrit avec Sébastien Ross

crédit photo Sacha Bourque 

Le tour de la question avec notre invité Biz

Bien le bonjour Biz, Très heureux d’avoir le plaisir de faire cette session de questions avec toi. Commençons avec une question emplie de légèreté pour le maître de la langue française que tu es en nous présentant ton mot préféré de notre belle langue et la raison?

La réponse facile, ce serait dictionnaire parce qu’il les contient tous mais ça ne nous dit pas grand chose. Disons que j’aime bien le mot sensuellement parce que je trouve qu’il le fait. Je trouve que le signifiant et le signifié se rencontrent et que c’est sensuel de dire sensuellement, puis on a besoin de la langue pour le dire.

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Par Jean Gagnon, CC BY-SA 3.0, Lien

Tu as toujours été un grand défenseur de la langue et du Québec, que penses-tu du Québec de 2021? Toujours possible de devenir un pays dans ce système qui penche vers la mondialité?

Oui je pense que c’est toujours possible. Gaston Miron disait: ‘’Tant que l’Indépendance n’est pas faite, elle reste à faire.’’ Est-ce que c’est possible? Oui! Est-ce que c’est probable dans un avenir proche? Je ne le sais pas. Je ne le vois pas, honnêtement. Mais bon, la politique étant ce qu’elle est, il y a une quantité de Nostradamus qui ont jeté leur boule de cristal aux poubelles. Notamment en disant que, le soir de l’élection, il était impossible que Donald Trump puisse gagner l’élection et c’est arrivé. 

Tout peut survenir en politique, vraiment tout. La leçon que je retiens de l’histoire, c’est qu’on ne peut jamais rien prendre pour acquis en politique et on ne peut jamais dire que ça ne se fera jamais. Disons que dans mon temps, quand on a commencé à faire de la musique, après le Référendum, le projet de l’Indépendance était porté par la jeunesse et une certaine partie des plus vieux. Maintenant, c’est surtout les plus vieux, les Baby-Boomers, qui appuient ce projet-là. Pour les jeunes, du moins ceux que je côtoies car j’ai la chance d’avoir une blonde qui a 30 ans, et c’est une chance à tous les niveaux y compris celle de pouvoir rencontrer les jeunes milléniaux, je constate que ce n’est pas dans leur agenda, ce n’est pas ce qui les préoccupe en premier lieu, pas comme moi je l’étais préoccupé dans le début des années 2000 avec Loco Locass et tout ça, c’était une question centrale dans ma vie. C’est une question qui est encore très importante pour moi, je pense encore que c’est pertinent de faire l’Indépendance, pour toutes sortes de raisons qui sont les mêmes que ce que je pensais avant et d’autres raisons s’y sont ajoutées. 

Je dirais, par contre, que ce n’est pas vrai que les jeunes ne sont plus souverainistes. Je suis allé, il y a un an de ça avant la pandémie, dans un rassemblement de jeunes souverainistes, où j’y étais le plus vieux et je leur disais que ça me faisait plaisir d’être le plus vieux dans un rassemblement de souverainistes car cela voulait dire qu’il y avait des jeunes qui croyaient encore à cette idée-là. Je pense, par contre, que ce qu’il faut faire est d’arrimer les préoccupations des jeunes à la pertinence de l’Indépendance. Pour donner un exemple, les jeunes sont très sensibles en ce qui concerne l’écologie donc, comment peut-on se dire écologiste en habitant un Canada pétrolier, un Canada dont l’économie est basé sur l’énergie fossile. Alors que, pour une république électrique du Québec, ce serait nettement plus propre, pas parce que nous sommes meilleurs que les gens de l’Ouest, c’est juste que nous avons de l’eau au lieu d’avoir du pétrole sur notre territoire. 

Je crois beaucoup en la république électrique, c’est une formule un peu simpliste mais qui, pour moi, indique deux choses. D’abord que l’on habite dans une vraie démocratie car nous nous sommes débarrassés de la Reine, de la monarchie qui est au-dessus de nos têtes en tout temps, et aussi que l’on habite dans un territoire où on peut faire de l’énergie, je ne veux pas dire plus propre parce que l’énergie a toujours un coût, mais disons moins sale. On pourrait produire des trains, des automobiles, des avions avec de l’aluminium, de l’aluminium produit avec de l’électricité, on pourrait électrifier tout le Québec et même tout le Nord-Est de l’Amérique.

D’ailleurs, je fais une parenthèse, dans mon prochain roman que je suis en train de finir et qui va sortir à l’automne, le personnage est un professeur de littérature qui va publier un livre et ce livre-là est une dystopie, ou une utopie politique, qui met en scène l’Indépendance du Québec en 2076 donc, cent ans après l’élection du Parti Québécois. L’Indépendance du Québec est faite par les Cris du nord qui, à la suite d’un coup d’État, ont pris possession des barrages et qui fournissent maintenant l’ensemble du territoire Nord-Américain dans l’Est en énergie, l’Indépendance est donc déclarée en Cris. 

Cette utopie-là démontre que l’Indépendance peut survenir d’une façon que l’on n’attend pas aussi et qu’il faut continuer à essayer de convaincre mais peut-être grâce à de nouveaux arguments, de nouveaux joueurs, des nouvelles têtes et de nouveaux discours.

En effet, pour arriver à l’Indépendance, on a besoin de nouvelles idées, d’après moi

Oui et l’Indépendance, ce n’est pas une nouvelle idée mais ce n’est pas parce qu’elle est vieille, que ça veut dire qu’elle est dépassée. Quand on dit que cette idée est dépassée, il est important de dire que tout ceux qui disent ça le sont indépendants. Je mets au défi n’importe lequel politicien fédéral de dire: ‘’Tu as raison, l’Indépendance c’est dépassé, on va annexer le Canada aux États-Unis, ça va être plus simple et on va arrêter de faire semblant que nous sommes indépendants des États-Unis.’’ et si on faisait ça, il y aurait une trollée de Canadiens qui nous vanterait les mérites de l’Indépendance.

Peut-être qu’il faudrait changer de stratégie aussi, peut-être qu’il faudrait soumettre au vote référendaire la constitution canadienne, qui nous régit à tous les jours. Il est possible que, là-dedans, on trouve des choses qui ne nous conviennent vraiment pas, notamment, la loi sur les indiens. À la suite de ça, la question ‘’Est-ce que vous acceptez ou non cette constitution?’’ Si on dit Oui, on la signe et c’est fini mais si on dit Non, ok mais qu’est-ce qu’on fait maintenant? On s’en donne une autre? On se part une patente qui nous satisfait un peu plus? Une république avec une représentation régionale? Des représentations d’offices pour les 11 Premières Nations du Québec au Parlement? Tout ça peut être envisagé dans une république du Québec mais c’est impossible dans un Québec qui demeure une province.

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Par Thekidpossum, CC BY-SA 4.0, Lien

Que penses-tu de la gestion du gouvernement du Québec vis-à-vis la pandémie? Et de la gestion du gouvernement du Canada? et de la réaction de nos concitoyens?

Je ne voudrais pas être à la place d’un gouvernement en ce moment. D’ailleurs, je ne voudrais jamais être un politicien, de toute façon, en temps normal donc en temps pandémique encore moins. Quelqu’un qui nous dit que Legault et Trudeau sont contents de la pandémie parce qu’ils veulent nous contrôler, il n’a pas regardé leur face. C’est pas vrai qu’ils sont heureux de la pandémie, c’est pas vrai qu’ils sont contents d’exercer leur métier dans ce cadre-là. 

Honnêtement, je pense que tout le monde fait ce qu’il peut, vraiment. Par contre, on arrive rapidement aux limites de la fédération quand on s’aperçoit que le gouvernement Legault, au moins de Mars, insistait sur l’importance de fermer les frontières rapidement et qu’Ottawa a tellement tardé avant de le faire, ‘’Ben là bonhomme, tu n’es pas maître dans ta maison quand nous y sommes’’. On le voit avec l’achat des vaccins, finalement on n’est juste des ados dans notre chambre, ce n’est pas nous autres qui décidons quand on doit faire la vaisselle, quand on doit sortir les poubelles! 

Justin Trudeau a beau jeu de sermonner Legault sur la gestion des CHSLD quand ça fait 50 ans que les transferts en santé sont coupés, ils sont passés de 50% à 20%. Faque avant de faire la leçon sur comment gérer les choses là, premièrement occupes-toi de ce qui t’appartient, c’est-à-dire les prisonniers et de ce qui relève des tes compétences au niveau fédéral, comme les autochtones et deuxièmement, donnes l’argent aux provinces pour qu’elles puissent gérer correctement les systèmes de santé.

Je suis toujours ébahi de voir Justin Trudeau qui supplie, on est rendu à la supplication des Canadiens de ne pas voyager. Moi, c’est la première fois que je vois ça, un politicien qui supplie les gens, c’est comme si les policiers suppliaient les gens de ne pas passer sur la lumière rouge. Tsé là, change la loi, interdit les vols, ferme les aéroports, ça va régler la supplication et ça va être ça qui va être ça.

En général, dans la fédération, c’est toujours la même chose. Le fédéral s’érige en espèce de père de famille pendant que les provinces ont la job sale. Il manque de budget pour faire le vrai travail de proximité avec les citoyens, c’est les provinces qui l’ont, que ce soit en éducation, en santé et les transports entre autres, pendant que le fédéral est toujours en train de nous faire accroire qu’il connaît mieux comment ça marche et qu’on devrait donc l’écouter. Pour moi, si on avait besoin d’une raison de plus, cette pandémie-là illustre la pertinence de l’Indépendance pour qu’on puisse gérer comment cela fonctionne à l’intérieur de nos frontières.

La pandémie a pris beaucoup de place en 2020 mais il y a aussi eu d’autres événements marquants. Quels sont ceux qui t’ont le plus marqué? Et pourquoi?

Au cours de l’année, d’un point de vue social, on n’a pas le choix d’aborder la mort de George Floyd aux États-Unis et du grand mouvement planétaire qui s’en est suivi. Il y a eu une prise de conscience à l’échelle occidentale qu’il y avait vraiment des problèmes, c’est sûr qu’aux États-Unis, c’est flagrant mais je pense que chaque société doit se regarder mais il faut faire attention de ne pas importer les problèmes et les cadres idéologiques des USA, parce qu’on peut le faire comme un colonisé mais on ne fait pas les choses correctement quand on fait ça. Par contre, ce n’est pas en disant ‘’Nous autres, ce n’est pas la même chose qu’aux États-Unis’’ qu’on est exonéré d’un examen à ce sujet.

Je fais du rap depuis 20 ans et j’ai des amis haïtiens, des amis africains qui se font écoeurer, plus que moi, par la police et ils ne sont pas plus méchants que moi, ça, ça m’interpelle. Des amis qui se font refuser des logements à cause de leur accent, ça non seulement ça m’interpelle, mais ça me fait… , ça me peine, en fait.

Donc, la prise de conscience mondiale du racisme qui existe, qui est réel. je dirais, et aussi le ras-le-bol de ceux qui le subissent, pour moi ça m’apparaissait manifeste.

Ceci est arrivé cet été avec les noirs et cet automne, Mme Echaquan à Joliette, pour les amérindiens. On a découvert au Québec, moi je le savais parce que c’est un monde que je connais un peu, en tout cas un peu mieux que la majorité des Québécois mais je le savais, qu’il y a des autochtones qui ne veulent carrément pas descendre à l’hôpital car ils ont peur de ne pas revenir, peur aussi de se faire écoeurer et de se faire juger. 

J’ai rencontré Carol Dubé, le veuf de Mme Echaquan, pendant le tournage d’une émission et j’ai sympathisé avec cet homme, un type extraordinaire qui m’a fait extrêmement de bien de voir à quel point, malgré tout, il peut être serein, très fort et très drôle, malgré ce qui est arrivé. Il m’a beaucoup parlé, il m’a fait autographier un de ses objets et on a vraiment trippé ensemble. et je me disais: ‘’Je fais partie de la gang qui a tuée, qui a écoeurée sa femme jusqu’à son dernier souffle dans une indignité la plus totale et le gars ‘’chill’’ avec moi, il est relax et il est drôle. Moi, mettons que ma blonde allait à Toronto et qu’elle mourrait dans un hôpital en se faisant traiter de ‘’Frog’’, je ne suis pas sûr que j’aurais le goût d’aller ‘’chiller’’, tant que ça, avec des Canadiens’’. J’ai retenu beaucoup de choses de cette rencontre-là et cette discussion-là.

Cette situation est compliquée parce qu’il y est question de juridiction. Techniquement, le Québec n’a pas de ministère des affaires amérindiennes, ça relève du fédéral, par contre, le système de santé est Québécois mais, clairement, ce n’est pas normal que des gens aient peur d’aller à l’hôpital que ce soit la peur de s’y faire écoeurer ou la peur d’y laisser leur vie, y a quelque chose qui ne marche pas et il faut régler ça. Je pense qu’il y a eu une prise de conscience, à notre échelle à nous au Québec, du même genre de résonance que George Floyd aux États-Unis. On pourrait peut-être en tirer des leçons pour que ces morts-là, au moins, n’aient pas été inutiles.

Effectivement, il y a beaucoup de gens qui ont ouvert les yeux sur ce que les personnes de couleur et autotochnones peuvent vivre.

Tout à fait! J’ai un ami comédien, un jeune qui avait joué dans le film ‘’La chute de Sparte’’ que j’avais scénarisé, un type super avec qui j’ai gardé contact et il me disait: ‘’Moi, après la mort de George Floyd, j’ai senti que le regard des gens était différent sur moi, dans la rue. J’ai senti des sourires, j’ai senti une espèce de considération qui n’était pas de la même échelle, avant.’’. Je pense qu’il y a un avant et un après, malgré ces incidents dramatiques, il y a des choses positives qui peuvent surgir de tout ça.

Sinon, tout ça arrive pour rien et c’est là que ça devient aliénant, que ça devient frustrant et que les gens ont de la colère, qui est légitime, et cette colère-là, on ne sait jamais comment elle peut sortir. Collectivement, quand la colère prend le dessus, ça donne l’invasion du Capitole, ça donne une perte de sens, l’échec de la démocratie quand la violence prend le dessus.

Ceci dit, c’est parfois nécessaire. On peut aussi regarder le combat du F.L.Q. (Front de Libération du Québec), comment il a été mené, inspiré d’ailleurs des plus grands mouvements révolutionnaires de la planète. J’ai vu le film ‘’Les Rose’’, et je connaissais des affaires sur la Crise d’Octobre, mais j’ai vu des images de la pauvreté endémique des Québécois francophones, avant la Révolution tranquille, et quand tu vois ces images-là, tu comprends pourquoi on arrive à être écoeuré à ce point-là d’un système qui nous domine, d’une oppression systémique dans ce cas-là qui s’appliquait clairement aux Québécois et qui, même dans les indicateurs sociodémographiques du début du siècle, était comparable aux pays africains en terme de longévité, de mortalité infantile et de différents indicateurs, donc quand tu vois ça, quand tu t’en rappelles, tu comprends le F.L.Q.. Aujourd’hui, James Cross est mort mais c’est le seul qui appelait les Felquistes des révolutionnaires et non des terroristes, peut-être parce que lui, de par sa position de diplomate britannique privilégié, il connaissait la dynamique impériale, qu’il savait reconnaître dans les sociétés quand les gens étaient assez écoeurés et devaient se révolter pour se sortir de ça.

Pour aider à retrouver le moral dans ces temps plus difficiles, surtout durant ce temps pandémique, quelles sont les activités que tu pratiques pour te permettre de te ressourcer, de te vider l’esprit?

En temps normal, je jouais au hockey dans une ligue de garage et je pratiquais le karaté mais, en ce moment, on ne peut plus pratiquer nos sports. J’ai déménagé au mois d’Août, j’habite maintenant dans le ‘’Petit Laurier’’, et j’ai une patinoire à deux coins de rue de chez moi, donc dès qu’il y a de la glace et que j’ai une demi-heure à moi, je m’en vais sur la patinoire. Mon gars a 14 ans et il ‘’zoome’’ toute la journée pour l’école mais, le midi, on mange en vitesse et on va une demi-heure tirer des pucks, ça fait tellement de bien! Tu es tellement dans le moment présent quand tu fais du sport, le hockey en particulier, c’est tellement un sport extraordinaire pour moi, j’adore jouer au hockey.

Sinon, j’ai la chance de pouvoir profiter du chalet de ma blonde dans le Nord. On va souvent dans le bois et ça fait du bien parce qu’on ne ressent pas le confinement dans la forêt, y a pas de couvre-feu pour les hiboux, y a pas d’angoisse. Surtout au printemps, lors du premier confinement au mois de Mars, cela m’avait beaucoup affecté psychologiquement et, quand je me retrouvais dans le Nord, dans le bois, je sentais que c’était vraiment plus relax, alors qu’en ville, y avait une tension parce qu’il n’y avait plus personne dans les rues, on n’était pas habitué et on ne savait pas quoi faire. 

C’est sûr que moi, je suis en train d’écrire un roman donc, pandémie ou pas, je serais assis chez nous, tout seul, à taper sur mon ordi. Je suis privilégié car cette pandémie-là m’affecte beaucoup moins professionnellement, et même psychologiquement, que beaucoup d’autres pour qui j’ai énormément de sympathie. Des gens, des amis qui ont perdu des restaurants, des bars et des commerces et qui ne savent plus quoi faire, des jeunes qui entrent au Cégep sans initiation, qui n’ont jamais visité leur Cégep, c’est dramatique, surtout pour les plus jeunes aussi. J’ai énormément de sympathie pour le stress, la frustration que peut emmener cet épisode-là. 

Personnellement pour moi, comme écrivain, l’écriture est un confinement, un enfermement solitaire et on est dans notre tête. Ça ramène aussi le pouvoir de la lecture, de l’art en général mais la lecture en particulier, c’est une évasion, tu peux vraiment sortir de ta tête et il n’y a plus de limites en littérature, tu peux aller, par exemple,  avec Isaac Asimov dans le futur ou dans une autre galaxie, littéralement avec la lecture. Il n’y a plus de pandémie quand tu écris et quand tu lis.

Parlant d’activités, tu es un grand fan des Canadiens et des Patriots, qui sont tes athlètes favoris actuellement et,toutes époques confondues, lesquels seraient tes favoris dans ces deux sports?

Actuellement, j’aime beaucoup regarder les Chiefs mais je les aime depuis les années 90, mais aussi en particulier avec Laurent Duvernay-Tardif qui donnait un coup de mains avant, c’est le fun de voir un Québécois sur la ligne, qui plus est, qui a fait sa médecine et qui a une tête sur les épaules, c’est un beau modèle. Puis il y a Patrick Mahomes, comme quart-arrière, qui m’éblouit pratiquement à chaque jeu, il est à la fois un glacier et un volcan, il est tour à tour tranquille et enthousiaste au moment où il doit l’être, c’est tout un général. Son père était un arrêt-court alors il a appris à lancer de côté, latéralement d’un bord ou de l’autre, de la main gauche ou de la main droite, il fait partie d’une nouvelle génération de quart-arrières beaucoup plus mobiles, beaucoup plus durs à saisir, comme Lamar Jackson aussi. Auparavant, tu faisais deux ou trois pas hors de ta pochette et c’était risqué mais, pas pour eux, ça m’impressionne beaucoup.

Au hockey, je ne comprends pas Connor McDavid comment il fait pour être aussi rapide, on dirait qu’il est dans la Matrice, tout le monde est trop lent autour de lui et ceux qui sont lents, ce sont des joueurs de la ligue nationale de hockey alors que lui, on dirait qu’il est dans une autre ligue. Pour moi qui patine en traînant un piano, je ne comprends pas comment il peut être aussi rapide.

En ce qui concerne ‘’toutes époques confondues’’, cela dépend beaucoup de ce que tu regardes mais, pour moi, d’un point de vue ou le sport est un phénomène social-culturel et même politique pour le Québec, c’est Maurice Richard, il est un symbole très important, un athlète qui traîne un peuple avec lui quand il est dans son sport et sur lequel un peuple s’appuie, se projette. Quand Maurice marquait un but, c’était plus qu’un morceau de caoutchouc qui rentrait entre deux poteaux, c’était un peuple au complet qui retrouvait une certaine dignité. Tsé, c’est important hein, le sport, c’est important! Maintenant évidemment, on dira que tout a changé, que c’est pu pareil, que les athlètes sont des mercenaires et tout mais, quand même, il y avait un petit peu de nous autres quand Laurent a gagné le Superbowl, tout le monde se projette sur des modèles plus grands que nature. 

C’est très simple le sport, tu gagnes ou tu perds, il n’y a pas d’ambiguïté, tu as compté un but ou tu en as pas compté, c’est que cela met à la portée de tous des symboles qui autrement sont plus complexes. Les luttes politiques, les luttes sociales,la classe sociale dès fois c’est plus abstrait mais là ça devient extrêmement concret. Maurice a compté, on a gagné, Boston est éliminé, c’est simple à comprendre et c’est le fun à voir.

J’ai regardé le film ‘’Maurice Richard’’ avec ma fille, qui avait genre 5 ans à l’époque, et elle comprenait. Maurice y se bat et pourquoi l’arbitre le retient quand il se fait donner des coups par le gars de NY. Ce n’est pas le meilleur joueur de hockey, Maurice Richard, pour le meilleur joueur de hockey, il faudrait aller du côté de Wayne Gretzky, Mario Lemieux, Bobby Orr, ça c’était des très bons joueurs de hockey mais l’athlète le plus significatif ou le plus important pour le Québec, j’irais avec Maurice Richard.

Pour avoir du succès, penses-tu que les Canadiens de Montréal devraient avoir plus de francophones?

Pour avoir du succès, je ne le sais pas même si la dernière fois que les Canadiens ont eu du succès, c’est-à-dire en 93, il y avait 11 francophones dans l’équipe mais c’est hasardeux de faire une règle de trois comme ça parce que le sport obéit pas à ces lois-là. Par contre, j’aimerais qu’il y ait plus de francophones pour m’expliquer pourquoi le Canadiens ne gagne pas lors d’une défaite. C’est-à-dire qu’on nous dit tout le temps qu’il faut choisir les meilleurs joueurs mais, tu as choisi les meilleurs et tu n’as pas gagné donc prend ta gang, choisis ta gang. Je pense pas que Jonathan Drouin a le goût d’être le Maurice, le porte-étendard d’un peuple au complet mais si ils sont 4-5 à se partager la job, d’aller à ‘’Tout le monde en parle’’ et différentes émissions de ce genre, ça va être moins pesant pour chacun d’entre eux.


Je lisais récemment qu’il n’y avait seulement que 2 gardiens Québécois dans la ligue nationale présentement alors qu’il y en avait une trollée auparavant, le Québec était une pépinière de gardiens et pour toutes sortes de raisons, cela a changé, l’effet Patrick Roy a bel et bien disparu. Moi j’aime les Canadiens, c’est l’équipe de ma ville mais je connecte toujours plus quand c’est un Québécois qui a du succès, c’est sûr, c’est normal. Comme par exemple, il y a plein de noirs qui se sont intéressés au hockey quand P.K. Subban est arrivé à Montréal, ils s’identifiaient à P.K et c’est tout à fait normal, autre exemple, pour les femmes, il y a Kim Clavel, ce n’est pas une pionnière mais elles peuvent se dire qu’elle est vraiment bonne et qu’elle est motivante.Ça ne veut pas dire que moi, comme blanc, je ne peux pas aimer P.K. Subban ou que, comme homme, je ne peux pas encourager Kim Clavel mais ça veut juste dire que quand c’est quelqu’un de ta gang, quelqu’un qui te ressemble, c’est normal que tu t’y identifies.

Discutons quelque peu de ta jeunesse, est-ce que tes parents écoutaient fréquemment de la musique?

À mon époque, c’était l’époque des 45 tours et des 33 tours donc, moi ma jeunesse, la musique était fragile, il fallait faire attention de ne pas grafigner les disques ainsi que de ne pas briser l’aiguille et il fallait faire attention de ne pas sauter trop fort quand on dansait parce que ça faisait sauter la musique. Tout ça a disparu, bien évidemment de nos jours. Mes parents écoutaient beaucoup de musique et, quand j’avais environ 7 ou 8 ans, ils se sont achetés un très gros système de son, ils avaient investi 2000$, ce qui était un gros montant pour l’époque donc on avait la Cadillac des systèmes de son accompagné d’une trollée de vinyles comme Dire Straits, Michael Jackson, Culture Club, en fait toute la musique des années 80 mais mes parents écoutaient aussi des disques de musique française, comme Léo Ferré entre autres, c’était pas mal ça qui jouait.

Est-ce que cela a eu une influence sur toi? Est-ce que c’est ça qui t’a poussé vers une carrière musicale/artistique?

C’est sûr que tout ce qui passe dans notre enfance a une influence sur nous. Mes parents écoutaient beaucoup de musique folklorique aussi, comme par exemple, ‘’Le rêve du diable’’ ou des trucs comme ça, et sûrement que cela aussi a eu une influence sur moi, faudrait que je fasse une psychanalyse pour vraiment déterminer l’influence mais oui sûrement que cela m’a influencé. Mes parents étaient profs et mon père était prof de lettres au Cégep, ça ça eu une aussi influence sur moi, pour le langage et tout, une influence de mes deux parents mais particulièrement de mon père.

Peux-tu nous donner un beau souvenir par rapport à la musique, tes parents et toi?

Je me rappelle d’un souvenir très vif, je ne me rappelle plus exactement de l’âge que j’avais mais c’était l’année de la publication de l’album ‘’Brothers in Arms’’ de Dire Strait (NDLR: ‘’Brothers in Arms est sorti le 1er Mai 1985 donc Biz avait 12 ou 13 ans), je suis couché dans ma chambre, mes parents font un party avec plein d’amis qui portaient barbes, ponchos et tout le monde fumaient. Donc, la toune ‘’Sultans of Swing’’ joue, je me lève pour aller aux toilettes ou je ne sais pas quoi et tout ça fait que j’ai un souvenir de Messieurs et de Madames qui ont du fun, le salon est plein de fumée mais de quelle sorte de fumée je ne l’ai jamais su. Dès que je ré-entends cette chanson-là, cela me donne toujours un souvenir très très vif, je suis téléporté instantanément dans mon enfance, exactement comme la Madeleine de Proust sauf que, dans mon cas, ce n’est pas gustatif, c’est auditif.

Lorsque tu étais enfant, quel album a été le tout premier que tu as acheté/reçu?

Je me rappellerais toujours du tout premier album que j’ai acheté, c’est un vinyle, un 33 tours et il s’agit de ‘’Piece of Mind’’ d’Iron Maiden. J’avais ramassé mon ‘’cash’’, je ne savais même pas si la musique était bonne mais la pochette me parlait en maudit. J’ai écouté excessivement souvent ce vinyle-là sur le bon système de son de mes parents.

On dit que la musique est souvent une thérapie pour bien des gens, lors de ton adolescence, est-ce que cela t’a souvent permis de te sauver? de t’évader?

Oui, ça été bien bien important. La musique, ça dit tout! Tu pèses sur ‘’Play’’ et ça dit au monde comment tu te sens. Tu écoutes du Bob Marley donc ça va bien, tu écoutes du Metallica donc tu est peut-être bien un peu en criss. Quand tu es ado, moi en tout cas, j’avais une espèce de rage intérieure dont je ne savais pas d’où elle venait ni comment la faire sortir mais le ‘’Métal’’ m’a beaucoup aidé pour ça et j’ai aussi commencé à jouer du drum en secondaire 4, donc c’était carrément physique, une frustration physique… Plus je tape fort, plus ça fait du bien, plus ça fait du bruit… 

Ma mère était la ministre de la culture de notre famille et elle nous payait, mon frère et moi, tous les billets des spectacles qu’on voulait aller voir donc je suis allé voir Metallica, etc… Un moment donné, ma mère me dit: ‘’Il y a un monsieur avec des lunettes qui joue du piano au ‘’Petit Champlain’’ et je te payes le billet’’ parce que la ministre avait le droit de faire des subventions mais il y avait aussi des prescriptions ministérielles donc, dans ces cas-là, j’étais comme obligé d’y aller mais personne, aucun de mes amis, ne voulait venir avec moi car c’était pas très vendeur en secondaire 5 un monsieur avec des lunettes qui joue du piano et finalement, c’était Richard Desjardins, l’auteur de ‘’Tu m’aimes-tu’’. Ce spectacle-là m’a sonné car j’étais comme ‘’OK, on peut faire ça avec les mots’’, ‘’Ça peut être ça une chanson’’ et ça, ça m’a influencé pour le rap. 

Avec Richard Desjardins, la question du niveau de langage, c’est indubitablement Québécois, clairement, mais il utilise des mots latins et même, dès fois, des références antiques, des mots très élaborés ou des vieux anglicismes de mineurs de Rouyn-Noranda. Il navigue dans la langue, il peut parler d’amour, de tout et de rien…  Les plus belles chansons d’amour, c’est lui qui les a faites et la plus grande chanson engagée, ‘’Les Yankees’’, c’est aussi lui qui la fait. Tout ça cohabite d’une façon parfaitement cohérente et cela aussi, ça m’a beaucoup influencé.

La composition est un art, as-tu débuté à un jeune âge? Est-ce que tu as commencé en griffonnant sur des bouts de papier?

J’ai parlé du spectacle de Richard Desjardins, il a semé une graine sur mon envie de composer mais ça a commencé à germer plus tard. C’est sûr que j’avais déjà l’envie d’écrire car, dès 8 ans, j’avais fait un petit livre sur les dinosaures, alors que pendant mon secondaire 1, je composais des pseudo-poèmes Baudelairiens et en secondaire 3, j’avais écrit un mauvais roman médiéval fantastique, ça fait donc très longtemps que j’écris mais, composer pour le rap, ça a commencé en 1995 avec Batlam à Québec. 

Batlam est arrivé chez nous, entre les vacances de Noël et du jour de l’an, avec un texte qu’il avait fait. On écoutait beaucoup de rap américain ainsi que de MC Solaar, qui nous a convaincu qu’on pouvait faire du rap en français et de façon littéraire comme lui car MC Solaar a beaucoup de références littéraires. Batlam et moi, qui étions des littéraires, des hommes de lettres, on a réalisé que nous n’étions pas obligés d’avoir un ‘’gun’’ et de vendre de la drogue pour faire du rap, le rap peut nous permettre de dire autre chose, de parler d’autre chose, de parler de ce qu’on est, en fait et de ce qui nous intéresse. C’est donc ça qu’on a fait rapidement, Batlam m’a montré son texte, j’ai ajouté quelques affaires et on a commencé comme ça.

Si tu compares la musique entre les différentes décennies, quelle est la plus authentique à ton avis?

Je pense qu’elles sont toutes authentiques dans la mesure où la musique représente l’époque, elle incarne l’époque ou elle a été créée, donc en ce sens-là, elle est authentique. Si une musique ne nous apparaît pas authentique, c’est peut-être parce que l’époque elle-même ne l’est pas. 

C’est sûr que les années 70, ça été de grosses années quand on pense au Rock, il y a eu des belles choses, on en a beaucoup parlé et ça été mythifié mais, pour moi, d’un point de vue qualitatif, la décennie des années 90 est la période qui m’a le plus intéressé au niveau musical. Quand Nirvana arrive avec ‘’Smells like teen spirit’’, ils dynamitent le ‘’Glam métal’’, tu ne peux plus faire du métal avec du spandex, du “Spray-Net’’ et du rouge à lèvres comme le faisait Motley Crue, c’était juste pu possible, Nirvana a mis la hache là-dedans. Je n’étais pas un gros fan de Nirvana, je n’écoutais pas leur musique mais je respectais énormément tout ce qu’ils incarnaient et je comprenais pourquoi il y avait autant de monde qui aimait ça. Il y a eu d’autres noms qui ont fait leur marque aussi dans ces années-là comme, par exemple, Pearl Jam et, ici au Québec, Jean Leloup, Les Colocs, Les Vilains Pingouins… Alors que les années 80 pour moi, c’était plus faible musicalement et créativement.

Il y avait aussi le rap des années 90 et, moi qui aimait beaucoup le rap, c’était très créatif, très solide ce qui se faisait dans ces années-là.

Effectuons une transition tranquillement en direction du Biz actuel, j’en profite car tu parlais de Batlam un peu plus tôt.Depuis Manifestif paru en 2000, que j’ai acheté sur un coin de rue à Montréal (et, si je me souviens bien, de l’un d’entre vous directement), il y a eu un long chemin parcouru avec Loco Locass. Qu’advient-il du groupe dans le futur proche et/ou plus ou moins lointain?

La réponse courte, c’est rien parce que, en ce qui me concerne, je nous considère à la retraite en tant que groupe de musique. Aussi parce que, d’une part, on n’a pas de nouvelle chanson en chantier et, parce que, moi, je n’ai aucune intention de faire d’autre album ni d’autre chanson. 

Par contre, oui je dis que j’en ai pas l’intention mais je ne dirais jamais ‘’Fontaine, je ne boirais pas de ton eau’’ parce que, quand on a sorti notre dernière toune ‘’Le Clan’’ en 2016, je revenais d’un voyage de promotion en Europe pour parler d’un de mes livres, je revenais et je me considérais comme un écrivain mais j’ai ouvert ma boite de courriels et il y avait les couplets de Batlam et le ‘’beat’’ de Chafiik et j’ai dit: ‘’Oh! Quossé ça? Un nouveau ‘’flow’’, un nouveau son, des nouveaux propos, j’ai envoyé un courriel à Batlam et j’ai demandé’’ Aye, il reste-tu un ‘’Seize barres’’ de disponible sur la toune car j’ai le goût d’y participer’’. J’ai régurgité mon couplet en une demie-heure pratiquement, ça vraiment été très rapide et, par la suite, on a travaillé cette toune-là de la même manière qu’on travaillait nos tounes sur ‘’Manifestif’’, c’est-à-dire les trois ensemble dans le studio à rouler le beat et à intervenir sur le texte de l’autre. Batlam a écrit un autre couplet aussi durant ce temps en studio. Donc, même à ce moment-là, j’avais plus ou moins tiré la plogue mais une autre chanson est arrivée mais, UNE chanson, pas un album.

Tu sais, le rap a beaucoup changé. Mon gars de quatorze ans écoute beaucoup de rap américain et c’est lui maintenant qui me tient au courant de ce qui se fait. Le rap Québécois, quant à lui, s’est affermi, il y a beaucoup de joueurs et il y a un mouvement maintenant qui est réel, qui existait plus ou moins à notre époque. Donc, je verrais mal comment on pourrait revenir faire du rap, à l’âge qu’on a et avec ce que le rap est devenu, sans avoir l’air de vieux Messieurs qui radotent d’une certaine manière. Car si on continue à faire comme on faisait avant, on n’évolue pas et on est resté dans le passé mais si on essaie de faire ce qui se fait maintenant, on a l’air de vieux Messieurs qui se mettent une calotte à l’envers et portent des jeans aux genoux pour saluer les jeunes donc, d’une manière ou d’une autre, ça ne marche pas. De toute façon, je parle pour moi, je ne parle pas pour Batlam et Chafiik, mon envie de création ne sort pas en rap, elle sort en scénario, elle sort en prose. Auparavant, dès que j’ouvrais le robinet, c’était exclusivement du rap qui sortait, maintenant quand j’ouvre le robinet, c’est la prose, la littérature qui coule.

Malgré ta ‘’retraite’’ de Loco Locass, est-ce que tu as un style musical que tu aimerais éventuellement explorer, seul ou avec d’autres artistes?

Non, parce que quand tu as goûté au plaisir de faire des châteaux de sable sur le bord de la mer, c’est difficile de revenir en faire dans un carré de sable. C’est ma comparaison entre la littérature et le rap, une fois que tu peux raconter ton histoire sur 300 pages, c’est dur de revenir à 3 minutes. 

Au final, je pense que le rap dans ma vie, je ne suis pas rendu à l’heure des bilans mais c’est ce que je peux voir quand je regarde en arrière, ça aura été une parenthèse dans ma vie, une longue et riche parenthèse. Quand je dis ça, je ne suis pas en train de minimiser ni de dénigrer cette parenthèse-là, pas du tout, mais c’est un accident pour quelqu’un comme moi. Je n’étais pas musicien, je n’étais pas mélodiste, j’aimais la musique mais je ne la comprenais pas, encore aujourd’hui, je ne me considérerais jamais comme un chanteur, je ne suis pas capable de chanter, chu pas bon, j’ai pas de souffle et je ne tiens pas la note comme il faut alors qu’avec le rap, c’était parfait! Je ne suis pas un chanteur mais j’ai des choses à dire et j’ai du beat mais ce qu’il y avait dans le rap, c’était un travail d’écriture. Avec le rap, il y a tellement de mots que tu peux écrire plus que quand tu écris du rock, par exemple. C’est pour ça qu’on est arrivé au rap d’une certaine manière, on en a beaucoup écouté et on avait des choses à dire, on aurait pu faire du théâtre aussi, on aurait pu faire plein d’autres choses mais c’est ça.

Personnellement, j’ai consacré vingt ans de ma vie au rap à temps plein, en tout cas au début certainement à temps plein, et je ne regrette absolument rien de ce qu’on a fait avec Loco Locass, rien mais je suis passé à autre chose comme un peintre qui a une période bleue, par exemple, et qui passe à autre chose tout simplement.

Tu disais que c’est plutôt maintenant ton fils qui te dit ce qui se fait au niveau du rap mais que penses-tu de la musique Hip Hop/Rap émergente au Québec et de sa place dans le monde?

Je regarde ça un peu de loin comme une espèce de mononcle qui regarde, avec bienveillance, ses neveux et leurs amis s’amuser. Il y a de bonnes choses, au niveau formel, je dirais, c’est surtout ça que je trouve intéressant. Avec les réseaux sociaux, la façon dont les gens se mettent en scène, se mettent en marché, je trouve qu’il y a beaucoup de créativité, particulièrement en temps de pandémie, je pense à Fouki, entre autres, il y en a plusieurs qui ont fait des albums. Si on avait 25 ans pendant la pandémie, il est certain que Loco Locass aurait sorti, peut-être pas un disque parce qu’on composait tranquillement, mais on aurait travaillé, ça c’est sûr.

Outre le hockey, la musique et la littérature, as-tu une autre grande passion? Si oui, laquelle?

Avant la pandémie, il y avait le karaté qui me faisait du bien au corps et à l’esprit et j’ai hâte que je puisse recommencer mais j’aime beaucoup aussi évidemment le cinéma autant en regarder qu’en scénariser. J’aime beaucoup les arts visuels, la peinture m’intéresse beaucoup, je n’ai jamais été bon en dessin mais ça m’intéresse la peinture. On dirait quand tu n’es pas bon dans quelque chose, c’est impressionnant de voir le talent de ceux qui y excellent, c’est la même chose avec le hockey, je joue mais je ne suis pas bon et quand j’en vois un qui est vraiment bon, ça m’émerveille. 

En littérature, sans dire que je suis bon en littérature, il faut se lever de bonne heure pour m’impressionner, je parle au niveau du style, je suis très difficile au niveau du style en ce qui concerne la littérature. Tu as beau me raconter une belle histoire si tu n’as pas de style, je ne vais pas t’écouter. Pour expliquer simplement, le style en littérature, c’est comme le style d’un humoriste, Louis-José Houde pourrait te défiler le bottin téléphonique et tu vas pisser dans tes culottes, y a rien d’intéressant dans un bottin mais, lui, il a son style, son rythme, son débit, ses mimiques, c’est ça le style et c’est la même chose en littérature. C’est pas ce que tu me dis qui m’intéresse, c’est comment tu me le dis.

Tu as toujours été impliqué auprès des jeunes que ce soit dans les camps pour les jeunes, la jeunesse dépeint dans tes romans et je pense aussi au clip ainsi que la chanson ‘’M’accrocher’’ de Loco Locass qui est un message sur la douleur, la détresse de nos jeunes. Qu’as-tu essayé de leur apporter au cours de tes expériences auprès d’eux?

C’est sûr que ma relation avec la jeunesse a évoluée en vieillissant car, au début, j’étais jeune moi-même et en plus, la jeunesse est relative comme par exemple, pour mon fils de 14 ans qui est jeune, sa sœur de 10 ans est celle qui est jeune. Au début, les jeunes au spectacles de Loco Locass, ils avaient mon âge donc, on était avec eux parmi eux et ce que j’essayais de leur apporter n’est rien d’autre que moi-même en espérant que ça les touche et qu’ils se sentent interpellés par ce que j’avais à dire. 

Dans les camps de vacances, les parents nous confient ce qu’ils avaient de plus précieux, on était dans le bois et on devait les occuper, c’était trippant. Quand il pleuvait, tu sortais une roche, un bâton et tu devais inventer un jeu, c’est toujours en mode créatif. Ce n’est pas tant ce que je pouvais leur apporter que ce que j’ai retenu de cette expérience, j’ai travaillé là à ma première année de Cégep, j’étais plutôt misanthrope comme personne fin secondaire 5, début Cégep et, après une été au camp de vacances, j’étais devenu humaniste. De côtoyer les jeunes et de côtoyer les autres moniteurs, des gens de mon âge, ça m’a ouvert sur la générosité, sur les autres, tu ne comptes pas tes heures de sommeil quand tu as des maternelles et si il y en a un qui a peur en plein de milieu de la nuit, tu te lèves et tu vas l’aider, ça te permet de sortir de toi, de penser aux autres.

Maintenant, j’ai des enfants moi-même et c’est un rapport différent, parce qu’il y a une question d’autorité mais pour les jeunes en général, j’essaie toujours de rester curieux sur ce qui les intéressent, ce qui les fait tripper, pourquoi ils parlent comme ça et pourquoi ils s’intéressent à ça par exemple. J’essaie de les comprendre au lieu de les juger mais je dirais que plus tu t’éloignes d’eux en âge et plus c’est difficile de les comprendre, plus l’écart entre les générations est grand et plus on a tendance à se juger mutuellement, ce n’est pas toujours une bonne chose, on est mieux dans l’empathie que dans le jugement. 

Quand tu fais partie d’une génération, tu as une espèce solidarité de classe mais tu t’en rends pas compte, comme dans le temps avec Loco Locass, c’était ‘’Libérez-nous des libéraux’’, c’est nous autres qui avaient raison, point barre et les autres qui n’étaient pas d’accord avec nous, ils étaient dans le champs. En vieillissant, il y a un peu plus de nuance qui s’installe et c’est ce que j’ai aimé quand, en 2012, on a accompagné les jeunes pour leur grève malgré que ce n’était pas ma grève, ça faisait 20 ans que je n’étais plus à l’université mais, j’ai eu du fun à être avec eux-autres et à les accompagner dans leur combat, je les trouvais créatifs, énergiques et pas blasés, c’était des beaux moments de fraternité avec les jeunes. Je pense que, quand tu côtoies la jeunesse, tu vieillis moins vite, tu deviens con moins vite.

Tu parlais des réseaux sociaux un peu plus tôt, quelle est ta relation avec les réseaux sociaux?

Je ne le sais pas trop, en fait, j’ai un pied dehors et l’autre dedans. D’ailleurs, ma blonde me chicane tout le temps par rapport à mon compte Instagram, elle le trouve complètement loser. J’en ai un mais j’ai juste 1200 abonnés, je ne publie pas ben ben et je n’ai jamais été sur Facebook. En fait, moi, c’est plus Twitter, je m’y suis inscrit en 2012 exactement pendant la grève étudiante, au début, c’était pour faire la promo de notre disque qui allait sortir et, finalement, pendant cette grève, c’était très utile et très intéressant d’être sur Twitter.

Moi, ce que j’aime, c’est plus les mots, les petits aphorismes, les petites réflexions et Instagram, c’est plus des photos et, moi les photos, photographier ma salade, ça m’intéresse moins. Mais ceci dit, je ne juge pas, ou beaucoup moins depuis que je sors avec ma blonde, ceux qui le font, il y a une forme d’esthétisme là-dedans, il y a même une forme de dandysme. Le compte Instagram de Baudelaire aurait peut-être eu des ‘’stories’’ avec des toiles d’Eugène Delacroix, des tartines de haschich et des dandys avec des haut-de-forme, je juge pas ceux qui sont là-dessus mais sauf qu” il y a quelque chose de vain un peu dans ça, j’aime mieux travailler sur un roman que de travailler sur un tweet.

En même temps, je dis ça mais tu peux toujours convertir tes abonnés de tes réseaux sociaux, ma blonde a pas mal d’abonnés et, quelques fois, elle reçoit des cadeaux, des patentes, c’est comme un cheval un peu, ça dépend qui le monte, ce que tu fais avec. Mais je reste un peu dubitatif, j’apprécie beaucoup le réel, le vrai, les contacts réels, je trouve qu’il y a un côté sombre dans les réseaux sociaux donc quand tu connectes ensemble des gens qui ne vont pas bien, ça aussi, ça donne l’invasion du Capitole. 

En ce moment, il ya trop de gens qui n’ont rien à faire et qui sont malheureux, il faut s’occuper de ça, il faut que les gens recommencent à travailler, à sortir dans les bars, à se péter la fiole avec leurs amis et à aller dehors, à revoir du monde. On n’est pas fait pour la vie qu’on mène en ce moment, on s’en rends compte et les réseaux sociaux exacerbent ça, il faut faire attention donc quelques fois, j’essaie de prendre un petit break moi aussi.

Depuis les années 60, la technologie fait régulièrement de grands bonds dans plusieurs sphères de notre société, est-ce que cela te fait peur ou t'emballe?

J’aurais tendance à dire que quoiqu’il advienne d’un point de vue technologique, il ne faut pas perdre de vue que la nature de l’humanité, c’est quand même le contact humain. Je ne pense pas qu’on pourrait réussir à incarner l’humanité en étant chacun dans notre appartement, branchés sur des ordinateurs, je ne pense pas que c’est le but de l’espèce humaine, je ne pense pas qu’elle est fait pour ça, à moins qu’on évolue, que nos cerveaux évoluent sur des millions d’années, un peu comme le pensait Houellebecq dans ‘’La possibilité d’une île”.

Il y a quand même des choses super le fun avec les téléphones, comme par exemple, je n’ai pas de char à Montréal mais je peux me débarrer une ‘’Communauto’’ à distance avec mon téléphone, mon détecteur de fumée est branché sur mon cellulaire et si je ne suis pas chez nous, que mon gars se fait cuire des nouilles et que ça se met à sonner, je vais le savoir immédiatement grâce à mon téléphone… Il y a des choses très bien avec la technologie, je ne retournerais pas vivre au Moyen-âge, vraiment pas mais comme je te dis, il faut revenir au hockey de base et le hockey de base, c’est d’avoir du fun avec nos amis, de tripper, de s’accomplir, de se réaliser personnellement dans des projets significatifs et, ultimement, comme on est en société, on ne peut pas se crisser des autres.

Je suis toujours fasciné à quel point, on peut être méchant, qu’on peut dire ou écrire des choses d’une méchanceté, d’une violence qu’on ne ferait jamais. Quand j’étais dans Loco Locass, j’avais un dossier ou j’archivais les menaces de mort que je recevais et, il n’y avait pas Twitter et autres à l’époque, c’était juste des courriels car, si on avait fait tout ce qu’on a fait de la même façon,  avec tous les réseaux sociaux qu’il y aujourd’hui, on en aurait reçu probablement beaucoup plus. Je me disais qu’un moment donné, j’allais me faire casser la gueule, je vais me faire attaquer littéralement mais ce n’est jamais jamais arrivé, je n’ai jamais eu de mauvaises expériences dans le monde réel, même pas quelqu’un qui serait venu me voir en disant: “Té t’un tabarnac, j’les aimes, moi, les libéraux, j’vas te colisser mon poing dans face!’’ mais sur internet, ça arrivait régulièrement. Comment tu peux envoyer ça dans l’univers ou à quelqu’un, sachant que tu ne lui dirais jamais en pleine face, ça me dépasse moi, cette, soit inconscience, soit lâcheté ou soit méchanceté pure…

Moi, ce que j’aime, c’est plus les mots, les petits aphorismes, les petites réflexions et Instagram, c’est plus des photos et, moi les photos, photographier ma salade, ça m’intéresse moins. Mais ceci dit, je ne juge pas, ou beaucoup moins depuis que je sors avec ma blonde, ceux qui le font, il y a une forme d’esthétisme là-dedans, il y a même une forme de dandysme. Le compte Instagram de Baudelaire aurait peut-être eu des ‘’stories’’ avec des toiles d’Eugène Delacroix, des tartines de haschich et des dandys avec des haut-de-forme, je juge pas ceux qui sont là-dessus mais sauf qu” il y a quelque chose de vain un peu dans ça, j’aime mieux travailler sur un roman que de travailler sur un tweet.

En même temps, je dis ça mais tu peux toujours convertir tes abonnés de tes réseaux sociaux, ma blonde a pas mal d’abonnés et, quelques fois, elle reçoit des cadeaux, des patentes, c’est comme un cheval un peu, ça dépend qui le monte, ce que tu fais avec. Mais je reste un peu dubitatif, j’apprécie beaucoup le réel, le vrai, les contacts réels, je trouve qu’il y a un côté sombre dans les réseaux sociaux donc quand tu connectes ensemble des gens qui ne vont pas bien, ça aussi, ça donne l’invasion du Capitole. 

En ce moment, il ya trop de gens qui n’ont rien à faire et qui sont malheureux, il faut s’occuper de ça, il faut que les gens recommencent à travailler, à sortir dans les bars, à se péter la fiole avec leurs amis et à aller dehors, à revoir du monde. On n’est pas fait pour la vie qu’on mène en ce moment, on s’en rends compte et les réseaux sociaux exacerbent ça, il faut faire attention donc quelques fois, j’essaie de prendre un petit break moi aussi.

À propos de la relation des médias actuellement en ce qui concerne les artistes. Trouves-tu que le support est suffisant ces dernières années?

Je trouve, qu’avec les réseaux sociaux justement, les artistes se sont appropriés leur propre mise en marché. Il y a de moins en moins d’intermédiaires entre les fans et les artistes, et ça, c’est une bonne chose. Maintenant, le modèle économique de la musique n’est pas en faveur des artistes, absolument pas, tout le monde donne sa musique, ce qui est non-sens d’un point de vue économique. Mais tout le monde le fait et je ne blâme absolument pas les jeunes de le faire car la musique est devenue une carte d’affaires pour inviter à aller aux spectacles et à acheter des chandails, c’est rendu comme ça. Le déclin des médias traditionnels s’accompagne d’une montée de la promo en utilisant les réseaux sociaux de la part des artistes, il faut y mettre de plus en plus de temps et c’est très exigeant d’interagir directement avec les fans parce que, le moindrement que tu fais quelque chose (par exemple: ‘’Aye il y a six mois à Val D’or, je t’ai dit Salut et tu n’as pas répondu’’), les fans ont l’impression que tu leur appartient ou que tu leur dois quelque chose au niveau émotif. Comme moi, oui, je dois quelque chose à mes fans au niveau artistique, certainement, mais je ne leur dois rien d’un point de vue personnel parce que je n’expose rien de ma vie personnelle ou, en tout cas, si peu.

Et pour les pauvres médias traditionnels eux, quand c’est rendu que ‘’La Presse’’ peine à rejoindre les deux bouts, on ne peut pas s’attendre à ce qu’il y ait des journalistes très critiques qui fassent le métier. Ce qui va se passer, c’est que les influenceurs vont quêter des billets de spectacles et il va y avoir des artistes qui vont donner des billets en échange d’un bon mot sur Twitter ou d’une photo sur Instagram, on est pu dans la critique, Critique, ce genre de travail de critique, ça n’existe plus au Québec.

Comme tu mentionnes que les artistes donnent leur musique gratuitement maintenant, est-ce que tu crois que la rémunération provenant des services de musique digitale, comme Spotify, est assez élevée en rapport avec le nombre d’écoutes ?

Oh non, ben non! Par rapport aux profits que cela génère, c’est nettement insuffisant! Si Spotify disait: “Écoutez, on arrive kif-kif, on ne peut pas vraiment payer plus que ça.” Bon ok peut-être mais c’est juste que c’est un modèle qui est quasiment basé sur l’exploitation des travailleurs. La force de travail, pour parler comme Marx, sont ceux qui bénéficient le moins des retombées de l’activité économique qui est dû à cette force de travail-là, ce qui est quand même inconcevable. Comment ça se fait que les grands fournisseurs internet ne redonnent pas plus que ça aux artistes, dans la mesure que ce sont ces artistes qui fournissent du contenu?

Il y a aussi un autre problème car il faut dire que, maintenant, n’importe quel gars qui joue de la guitare ou qui revole des airs et tombe va générer des millions de clics donc plein d’argent. Ce n’est même pu juste les vrais artistes qui génèrent du ‘’Clic’’, c’est ouvert à un peu tout le monde maintenant. Ceci dit, quand ta chanson, je pense à “Happy” de Pharrell Williams, tourne beaucoup et génère dix milles piastres pour des millions de vues et d’écoutes sur les différentes plate-formes, y a quelqu’un qui s’en met trop dans les poches et quelqu’un qui s’en met pas assez, la tarte est ce qu’elle est mais elle est très mal répartie. 

Je te remercie pour tout le temps que tu m’as accordé mais, avant que l’on se quitte, voici une question bonus d’une fan, Roxanne Trépanier, qui voudrait savoir si la chanson et le vidéo “Secondaire’’ sont tirées d’un fait vécu?

Malheureusement oui, malheureusement pour Chafiik et moi, c’était pas mal autobiographique. Les culottes à terre à la première journée, c’est ce qui est arrivé. Sur le coup, évidemment, c’est un drame, tu veux changer d’école et tout mais, avec le temps, on en rit, on s’amuse avec ça et on en fait une toune!

C’est bien ça, c’est une belle expérience de vie!

La beauté de l’art! Que faire avec du fumier? Ben fais pousser des fleurs dessus! (Rires) Ce sera le mot de la fin tiens, Fumier! Dans le sens de, Ce joint, il aurait fallu que vous le ‘’Fumier’’ jusqu’au bout! (Rires)

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Le travail d’auteur de Biz a été récompensé par le Prix du livre jeunesse des bibliothèques de Montréal et le Prix jeunesse des libraires du Québec en 2012 pour « La chute de Sparte » ainsi que par le prix France-Québec en 2015 pour « Mort-Terrain ». Sa dernière oeuvre « Les abysses » est son septième livre publié chez son éditeur Leméac. http://www.lemeac.com/auteurs/163-biz-.htm

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